Nouvelle variante génétique à l’origine d’une maladie pulmonaire héréditaire chez les Inuits
La prévalence de la dyskinésie ciliaire primaire chez les populations inuites pourrait être expliquée par une variante génétique nouvellement découverte.
OTTAWA, Canada — le 1er mai 2023 — Des scientifiques de l’Institut de recherche de CHEO et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) ont fait la découverte, chez des populations inuites du Nunavut et du Nunavik, d’une variante génétique jusqu’alors non identifiée causant la dyskinésie ciliaire primaire (DCP). Cette variante génétique pourrait contribuer de manière importante aux pneumonies récurrentes et aux maladies pulmonaires chroniques observées chez les Inuits.
La DCP (également appelée syndrome de Kartagener) est une pathologie génétique caractérisée par l’absence de mobilité ou une mobilité anormale des cils, les poils microscopiques qui tapissent les voies respiratoires. Un mouvement normal des cils permet d’évacuer le mucus des bronches, du nez, des sinus et de l’oreille moyenne. Dans les cas de DCP, le mucus s’accumule et devient infecté, ce qui entraine de l’inflammation chronique et une atteinte des organes. La structure des cils comporte de nombreux composants, chacun étant contrôlé par des gènes distincts.
Jusqu’à tout récemment, la croyance que les Inuits n’étaient pas atteints de DCP reposait sur des recherches précédentes réalisées à l’aide de techniques de diagnostic moins avancées que celles d’aujourd’hui. Publiée dans Pediatric Pulmonology, la nouvelle étude, intitulée « First Reports of Primary Ciliary Dyskinesia caused by a shared DNAH11 allele in Canadian Inuit », démontre que la variante liée à la DCP, dans un gène dénommé DNAH11, a été détectée chez sept individus inuits, dont cinq du Nunavut et deux du Nunavik. Ces travaux révèlent pour la première fois la présence de la DCP au sein de la population inuite du Canada.
« La découverte de cette nouvelle variante du gène DNAH11 dans des régions géographiquement dispersées des territoires inuits laisse supposer que ce gène pourrait être assez courant chez les Inuits et constituer une cause majeure de maladie pulmonaire parmi cette population, a déclaré le Dr Tom Kovesi, co-auteur principal et chercheur à l’Institut de recherche du CHEO. Les Inuits souffrant de pneumonies récurrentes ou d’atteintes pulmonaires chroniques devraient être testés pour la DCP. Il faudrait aussi envisager d’inclure l’analyse génétique de la DCP lors du dépistage de routine des nouveau-nés dans les régions inuites ».
Des recherches antérieures menées au CHEO avaient montré que des infections sévères et récurrentes des voies respiratoires inférieures — telles que la pneumonie, le virus respiratoire syncytial (VRS) et la bronchiolite — sont extrêmement fréquentes chez les jeunes enfants inuits, et qu’elles résultent la plupart du temps de cas d’infections pulmonaires graves en début de vie. Des facteurs sociaux déterminants de la santé comme le surpeuplement et le manque de ventilation dans les maisons jouent un rôle significatif dans le développement d’infections sévères des voies respiratoires inférieures en début de vie au sein des communautés inuites.
Cependant, les données de la présente étude suggèrent fortement que la DCP héréditaire représente une cause considérable de maladie respiratoire chez les Inuits du Canada. Puisque la variante a été observée dans des secteurs disparates des territoires traditionnels inuits, la maladie pourrait être attribuable à ce qu’on appelle un effet fondateur, soit une diminution de variabilité génétique survenant lorsqu’un petit groupe d’individus est isolé d’une population plus large.
« Notre étude démontre qu’il faut prendre les conditions génétiques en compte parmi les causes de maladie respiratoire chronique chez les patients inuits. Elle met aussi en évidence l’importance des tests génétiques pour la DCP et des analyses de population dans les milieux présentant des taux élevés d’infections respiratoires et de maladies pulmonaires — d’autant plus que la détection et le traitement rapides de la maladie sont déterminants », explique le coauteur principal, le Dr Adam Shapiro. Chercheur au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain de l’IR-CUSM, pneumologue pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants du CUSM et professeur agrégé de médecine respiratoire à l’Université McGill, le Dr Shapiro a récemment découvert dans le cadre d’une autre étude des mutations identiques d’un autre gène causant la DCP chez quatre enfants autochtones d’Amérique du Nord non apparentés et provenant de régions diverses.
« Il existe plusieurs façons de traiter la DCP, ajoute le Dr Kovesi, pneumologue pédiatrique au CHEO et professeur de pédiatrie à l’Université d’Ottawa. Pour comprendre la prévalence de la DCP causée par des variantes du DNAH11 et découvrir de potentielles variantes d’autres gènes liés à la DCP et leur incidence chez les Inuits, il faut faire plus de recherche. Ces étapes sont nécessaires pour améliorer la prestation des soins aux familles inuites affectées. »
Financement : Une portion de ce travail a été réalisée dans le cadre du consortium Care4Rare Canada, financé par Génome Canada et l’Institut de génomique de l’Ontario (OGI-147), les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche de l’Ontario, Génome Alberta, Génome Colombie-Britannique, Génome Québec et la Fondation du CHEO.
Référence : Julia Hunter-Schouela, Michael T. Geraghty, Robert A. Hegele, David A. Dyment, David St. Pierre, Julie Richer, Holden Sheffield, Maimoona A Zariwala, Michael R. Knowles, Anna Lehman, Sharon D. Dell, Adam J. Shapiro, Thomas A. Kovesi. First reports of Primary Ciliary Dyskinesia caused by a shared DNAH11 allele in Canadian Inuit, Pediatric Pulmonology 10.1002/ppul.26414
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À propos de l’Institut de recherche de CHEO
L’Institut de recherche de CHEO coordonne les activités de recherche de CHEO et est affilié à l’Université d’Ottawa. Les sept programmes de recherche de l’Institut se concentrent sur une gamme complète de sujets pédiatriques. Les principaux thèmes de recherche sont le cancer, le diabète, l’obésité, la santé mentale, la médecine d’urgence, la santé musculosquelettique, les renseignements électroniques sur la santé et la protection de la confidentialité, et la génétique des maladies rares. Les découvertes de l’Institut de recherche de CHEO ont inspiré la mission de l’hôpital d’offrir la meilleure qualité de vie possible à tous les enfants et adolescents. Pour de plus amples renseignements, consultez le site cheoresearch.ca (en anglais seulement).
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L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) est un centre de recherche de réputation mondiale dans le domaine des sciences biomédicales et de la santé. Établi à Montréal, au Canada, l’institut, qui est affilié à la faculté de médecine de l’Université McGill, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) – dont le mandat consiste à se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communauté. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 étudiants et stagiaires qui se consacrent à divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santé évaluative aux sites Glen et à l’Hôpital général de Montréal du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des découvertes destinées à améliorer la santé des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). ircusm.ca
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