N’oubliez pas les enfants comme Olivia, Adam et Malakai
Par les Dres Sunita Venkateswaran (pédiatre neurologue), Nathalie Major (directrice médicale des Soins médicaux complexes) et Asha Nair (pédiatre spécialisée en développement), toutes médecins de CHEO
En tant que pédiatres qui soignent des enfants qui vivent avec des troubles médicaux complexes et des besoins médicaux et sociaux, nous avons constaté les répercussions qu’a la COVID19 sur ces enfants, ces adolescents et sur leurs familles. Nous nous inquiétons particulièrement des torts importants qu’ils subissent pour s’être absentés si longtemps de l’école.
Avant le congé de mars, Olivia, qui dépend de son fauteuil roulant et que l’on nourrit à la sonde, prenait l’autobus scolaire, car elle s’était intégrée à sa classe de 2e année. Elle recevait régulièrement des traitements de physio, d’ergothérapie et d’orthophonie. Adam, lui est au secondaire. Il a appris à socialiser et à communiquer avec ses camarades. Il a acquis les compétences de base de la vie quotidienne. Malakai suivait son plan d’enseignement individualisé du début du secondaire. Il aidait à prendre soin de ses frères et sœurs pendant que sa mère travaillait.
Leur vie a complètement changé après le congé de mars.
Olivia ne reçoit plus de thérapies, alors ses membres recommencent à se raidir. Adam ne parle plus, car il est fâché de ne pas pouvoir communiquer efficacement avec sa famille. Malakai n’a pas pu suivre son enseignement en ligne, parce qu’il doit s’occuper de ses jeunes frères et sœurs pendant que sa mère travaille et qu’il n’a pas d’ordinateur et d’imprimante pour faire ses devoirs et communiquer avec ses professeurs. Même quand elle est à la maison, sa mère ne peut pas l’aider à utiliser les modèles d’enseignement en ligne, parce qu’elle n’est pas de langue maternelle anglaise.
Olivia, Adam et Malakai sautent des étapes développementales. Mais pire encore, ils perdent tous les progrès médicaux et développementaux qu’ils avaient réalisés à grand-peine afin de vivre leur meilleure vie possible. Ces trois enfants ne sont certainement pas les seuls.
Les enfants qui vivent avec des besoins physiques et médicaux chroniques, avec un trouble de l’apprentissage et qui se trouvent dans une situation socioéconomique précaire étaient déjà marginalisés avant la pandémie. À Ottawa, ils représentent une vaste proportion des 150 000 élèves des quatre conseils scolaires de la région. Un jeune sur trois de notre ville est atteint d’un trouble chronique, développemental ou complexe (rapport EN PLEINE SANTÉ de 2017), et un sur sept vit dans la pauvreté (Personnes vivant dans la pauvreté, version 2017).
Depuis le congé de mars, les élèves vivent dans l’isolement social, et leurs routines sont complètement à l’envers. D’après les résultats d’une enquête récemment menée par Santé publique Ottawa, le niveau d’anxiété d’un enfant moyen s’accroît, car les familles qui ont des enfants d’âge scolaire sont toujours plus surmenées. Cette situation s’applique plus encore aux enfants vulnérables qui ont besoin de soutien à l’apprentissage, à ceux qui ont des besoins médicaux complexes ou qui sont marginalisés à cause des circonstances socioéconomiques de leur famille.
À Ottawa, le gouvernement de l’Ontario, Santé publique Ottawa et les conseils scolaires d’Ottawa ont recommandé que les enfants étudient cinq jours par semaine soit en personne, soit en ligne. Il faudra pour cela équilibrer les mesures de santé publique, les besoins économiques, les ressources limitées, le financement et les avantages que cela rapporte au bien-être et au développement de tous les jeunes… même à Olivia, Adam et Malakai.
Les enfants vulnérables retirent de l’école plus qu’un enseignement et des activités parascolaires. Leur apprentissage et le soutien qu’ils reçoivent sont intégrés à leur développement physique et cognitif. Ces derniers mois, de nombreux patients ont régressé physiquement sans les traitements et les ressources de leur école. Les familles ont maintenant le fardeau supplémentaire de trouver, et de payer, les services qu’elles ne reçoivent plus de l’école. La majorité de ces enfants n’ont pas réussi à apprendre en classe virtuelle. Un grand nombre d’entre eux n’y ont même pas accès, donc ils manquent constamment des cours alors qu’ils auraient justement, plus que leurs camarades, besoin d’étudier en classe et de recevoir des traitements. Si cela continue, le bien-être émotionnel et physique de ces élèves et de leurs parents en souffrira terriblement.
Il est crucial que ces jeunes et leurs familles puissent participer aux discussions sur la rentrée des classes et qu’ils reçoivent le soutien des éducateurs et des professionnels de la santé.
Évidemment, la présence physique à l’école ne conviendra pas à tous les jeunes qui ont des besoins médicaux et sociaux complexes. Les parents et les aidants naturels devront prendre des décisions éclairées avec l’aide de pédiatres, de fournisseurs de soins ainsi que du personnel des écoles et de la santé publique. Il est également crucial que nous adaptions l’enseignement en ligne aux capacités de ceux qui ne pourront pas retourner en classe.
Nous pouvons tous contribuer à résoudre ces problèmes en respectant les mesures de santé publique. Collaborons à la réduction de l’infection par la COVID19 dans notre région. Si cette pandémie s’accroît à nouveau dans la collectivité et que nous devons ralentir ou fermer des choses, ces jeunes en seront les plus grands perdants.
Nous pouvons aussi aider en appuyant les parents pour lesquels les mesures de santé publique ne suffisent pas à cause des troubles développementaux et médicaux de leurs enfants. Ils peuvent ne pas être en mesure de porter un masque, mais ne les punissons pas en les marginalisant plus encore!
Il ne s’agit donc pas de décider si les jeunes comme Olivia, Adam et Malakai peuvent retourner en classe en toute sécurité, mais comment accueillir les enfants qui doivent retourner à l’école en toute sécurité afin d’optimiser leur santé, leur développement et leur apprentissage et de préserver les gains qu’ils avaient réalisés avec tant de peine.
On retourne à l’école?
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